De la bataille des protocoles à la bataille des Clouds ?

Depuis des années, le principal frein à la croissance des services domotiques a été l’incompatibilité des équipements à communiquer entre eux. L’utilisation de protocoles propriétaires, propres à chaque fournisseur imposait une solution monolithique et unique. L’interopérabilité était un graal, et l’usager était limité à la fois dans ses solutions matérielles mais surtout dans sa quête de services associés. Plutôt que de s’ouvrir au monde, les grandes marques pratiquaient un protectionnisme, ce qui est semble-t-il révolu. Aujourd’hui il faut s’ouvrir, et la guerre des Clouds est déclarée.

Fin (ou presque…) de la guerre des protocoles propriétaires ?

On peut se réjouir depuis quelques mois ou années, de l’évolution notable des constructeurs (à part quelques irréductibles poursuivants une bataille d’arrière-garde…) vers l’ouverture de leur protocole à de nouveaux écosystèmes. La devise « OPEN » était sur de nombreux stands au dernier CES, en particulier sur le stand de SOMFY (OPEN Ecosystems, OPEN to Protocols, OPEN API, OPEN Platfom…). Ces constructeurs ont enfin compris qu’ils ne pouvaient gagner qu’en associant une batterie de services à leur produits, et qu’ils n’étaient pas en mesure de couvrir l’ensemble de la gamme des services demandés par les usagers. Les modes de communication ne sont plus un rempart, mais une ouverture vers le monde extérieur. Certes les constructeurs doivent gérer les équipements installés et le parc existant, mais tous s’ouvrent à de nouveaux protocoles plus ouverts. Parallèlement, ils se positionnent sur des infrastructures de plateforme, de Cloud, et ouvrent leurs API’s afin de permettre (enfin) l’enrôlement de nouveaux services proposés par des opérateurs tiers.

La bataille du Cloud et de ses services associés

Désormais la bataille est portée sur un autre front. Chacun promeut sa solution Cloud, toutes avec des API’s ouvertes, mais chacune avec des fonctionnalités spécifiques.

Depuis des services vitaux, comme la sécurisation des communications, ou d’administration (device management) jusqu’à des solutions d’Intelligence Artificielle, chaque Cloud propose ses propres fonctionnalités, mais surtout, propose aux opérateurs de services de s’appuyer sur son infrastructure pour délivrer leurs solutions. Le Cloud est devenu la vitrine pour les usagers et les opérateurs de services. L’objectif pour les constructeurs est désormais de fédérer un écosystème d’utilisateurs finaux et d’opérateurs de services afin de se positionner au cœur du système, et les fonctionnalités proposées sont autant d’arguments commerciaux.

Les nouveaux acteurs

Il en résulte l’arrivée de nouveaux types d’acteurs:

  • Opérateurs de service technologique (pour apporter des solutions de contrôle vocal, ou des outils d’apprentissage et d’IA – Google, Amazon, Ween.ai, Craft.ai…)
  • Agrégateurs de services (pour consolider des écosystèmes différents via des métalangages et des IHM innovantes– Leroy Merlin ENKI, IFTTT,…)
  • Opérateurs tiers (pour la santé ou la gestion énergétique)

L’augmentation des caractéristiques et performances des produits n’est plus uniquement le fait des constructeurs, mais des partenariats technologiques permis par leur Cloud et l’ouverture de leurs systèmes. L’objectif pour un constructeur est donc désormais de fédérer autour de son Cloud les meilleurs partenaires pouvant ajouter leurs services à sa solution.

Etre au plus proche de l’usager

Le cas de la solution ENKI est intéressant car en proposant une interface unique et le support de plusieurs protocoles et écosystèmes, Leroy Merlin souhaite se positionner en frontal des utilisateurs et éviter la désintermédiation des marques qu’il distribue en magasin.

De la même façon, le support des services, en particulier de reconnaissance vocale, proposés par des GAFA’s crée le risque pour les constructeurs de se faire désintermédier par ceux-ci. Mais ce risque est compensé par la complexité, voire l’impossibilité pour les constructeurs de proposer des services comparables à ceux des GAFA’s, mais surtout d’accéder à leur base installée.

C’est l’offre de services à l’usager qui va trancher. L’intérêt et la nouveauté majeure de ce modèle est qu’il laisse la place à plusieurs opérateurs de services pour chaque installation.

Les écosystèmes ne se bâtiront désormais plus autour d’une solution technologique hardware (protocole) mais autour de la plate-forme de services. C’est une très bonne nouvelle pour les usagers avides de services domotiques innovants, et c’est peut-être la clef qui permettra l’essor du marché de la domotique attendu depuis de si nombreuses années.