Accepteriez-vous de traiter votre maman comme vous traitez vos clients ?

La vitesse du monde s’est emballée. Des fondamentaux ont été progressivement oubliés.

Depuis la nuit des temps, pour faire du commerce, il fallait être en confiance. La compensation entre un produit, ou un service et une monnaie ou un troc nécessitait pour les deux parties de croire en la valeur du bien qu’il recevait en échange de sa prestation ou de son produit. Les commerces de dupe ont toujours existé, mais ils étaient limités dans le temps à des transactions uniques n’ayant pas vocation à être renouvelées.

Notre monde actuel repose sur des marques, s’appuyant chacune sur un ensemble de valeurs. L’objectif d’une marque est de fidéliser une clientèle. Des phrases comme « le client au centre de l’entreprise » sont devenues génériques car la valorisation de la marque ou de l’entreprise, c’est sa capacité à fédérer et fidéliser une clientèle.

Pour garder sa clientèle, il faut des produits qui l’attirent et lui correspondent. La première étape pour s’assurer de l’adéquation du produit aux clients est évidemment de bien connaitre ceux-ci, connaitre leurs perceptions, leurs attentes.

La seconde étape est la personnalisation des produits et service à chaque client pour faire de lui un client unique.

Aujourd’hui, dans ce monde épris de rentabilité à court terme, où tout est bon pour faire de l’argent, les objectifs initiaux de connaissance client et de personnalisation sont passés d’un objectif de « renforcer l’image et la notoriété de la marque » à « faire plus d’argent par client ».

De nombreux services marketing voient dans la collecte massive de données de leurs clients un gisement de rentabilité immédiat, en oubliant parfois l’objectif plus long terme de renforcement et de maintien des valeurs portées par la marque ou l’entreprise. Comme cette collecte n’est actuellement généralement pas visible par le client, les techniques de profiling ont progressé et aujourd’hui chaque client est soigneusement rangé dans de multiples cases, sans qu’il n’en ait aucune maîtrise.

Tout est bon dans l’client !

Certains souhaiteraient transformer le client, qui était roi, en servile poule aux œufs d’or. Il n’est pas certain que celui-ci accepte ce changement de statut, surtout si c’est fait de manière cachée, en le pillant sans qu’il soit au courant. C’est pourtant la stratégie (non avouée) de certaines entreprises. Quand le client en sera informé, et c’est inévitable, sa confiance sera brisée et par conséquence le commerce aussi. Chaque nouvelle affaire révélant un usage abusif de données personnelles écorne l’image de la marque, diminue la confiance des usagers, et donc aussi la valeur de la marque.

Si, comme certains l’avancent, la collecte de donnée est globalement positive pour le client, pourquoi cacher ce qui lui est pris ? Son consentement est la base de la relation de confiance avec l’entreprise. Puisque la donnée est un élément du marché, elle doit faire partie du contrat compris et accepté par l’usager.

Les vertus du RGPD

Le nouveau règlement permet un rééquilibrage de la relation client/entreprise. Contrairement à ce que pensent beaucoup d’entreprises, il va leur apporter beaucoup.

Certains annoncent que celui-ci va tuer la créativité en Europe. Je pense qu’au contraire, en imposant des contraintes plus fortes, il va imposer aux entreprises un travail certes plus difficile, mais qui sera plus pérenne. Les oiseaux de malheur sont en fait les partisans d’un moindre effort, une position qui ne produit généralement rien de bon…

J’aime comparer cette situation à l’écologie. Il est certes plus difficile de gérer une forêt de manière responsable que de raser tous les arbres et de constater les dégâts une fois le paysage dévasté. Construire des voitures propres et bien plus difficile à réaliser que d’utiliser des ressources fossiles et polluantes. Où est la créativité aujourd’hui ? du coté du moteur à explosion ?

Il est plus difficile mais tellement plus profitable à terme pour une entreprise d’intégrer une dimension éthique à son business sur les données. L’investissement dans le RGPD est un investissement pour durer, pour être cohérents avec l’image et les valeurs annoncées par la marque.

Le RGPR pour faire le point sur la situation de son entreprise

La démarche de mise en conformité commence généralement par un état des lieux sur le système d’information de l’entreprise qui doit faire un inventaire des données personnelles en sa possession. Cela peut sembler incroyable, mais c’est un fait, la majeure partie des entreprises ne connait pas vraiment les données en sa possession.

Le RGPD peut donc aussi être le moyen de remettre les compteurs à zéro, de découvrir pour les dirigeants les vraies pratiques et usages de leur propre entreprise.

Le consentement ou dire clairement à l’usager ce qui est fait de ses données

Certains juristes affirment avec raison que la demande de consentement n’est pas systématiquement nécessaire. Il existe en effet de nombreux cas où le règlement exempte les entreprises de cette formalité. Mais au-delà de la dimension juridique de ceci, n’est-il pas vertueux de lancer l’entreprise vers une démarche de reconquête de la confiance de ses clients ? L’histoire qui s’écrit aujourd’hui vous semble-t-elle aller vers un pillage de plus en plus grand ? Les affaires qui se multiplient dans la presse sur le vol de données vous semble-t-il propice à éviter de demander le consentement du client pour en faire le strict minimum ?

La demande de consentement éclairé est un formidable outil pour l’entreprise de se positionner clairement vis-à-vis de ses clients comme le garant des informations qui lui sont confiées. Il est la face la plus visible par l’usager de l’attention et du respect que lui porte la marque.

L’anonymisation ou l’étape ultime

Mais certaines entreprises peuvent décider d’aller encore plus loin, et s’affranchir de la donnée personnelle afin d’intégralement sortir du cadre du RGPD. Il est possible d’anonymiser les flux de données AVANT qu’elles n’arrivent dans le système de l’entreprise. Comme un « proxy » qui filtre les données relatives à l’internet, des solutions proposent « d’effacer » la trace de l’utilisateur pour l’entreprise qui très souvent n’a pas besoin de ces données pour fournir le service. C’est l’utilisateur qui décide du lien pouvant être fait entre ses différentes données. Cette démarche pro-active de l’entreprise peut être valorisée auprès de son client qui redevient le maitre de ses données. Elle doit être bien sûr accompagnée par une communication marketing mettant en avant cette démarche.

La bienveillance est une valeur marketing forte et durable portée par toute démarche de respect du client.

RGPD exigence juridique ?

L’aspect réglementaire de cette démarche ne doit pas effacer le fondement, l’esprit qui a animé les élus qui ont permis son adoption. L’Europe souhaite protéger ses citoyens, et cette première étape figure d’une démarche ambitieuse dirigée vers un cap éthique portée par des valeurs proches de la démocratie et des droits de l’homme. Se mettre en conformité avec la loi n’est pas seulement pour l’entreprise un moyen d’éviter la sanction, mais surtout pour elle de rétablir et de pérenniser sa relation avec ses clients, de se mettre dans une perspective durable, et bienveillante. Cette démarche est difficile, mais vertueuse.